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Regards sur la biodiversité dans le sud-ouest de l'Océan Indien

Ornithologie

Les oiseaux marins de l’océan Indien ont besoin d’une protection accrue

Les oiseaux marins du l'ouest de l'océan Indien bénéficient aujourd'hui d'une protection insuffisante, selon une récente étude.

06 décembre 2023

Par : La rédaction

Alors que les oiseaux de mer sont de plus en plus menacés par les activités anthropiques, une récente étude suggère que les populations de l’océan Indien seraient plus particulièrement vulnérables. L’équipe de chercheurs à l’origine de cette observation appelle à une mobilisation internationale, qu’ils estiment cruciale.

L’ouest de l’océan Indien abrite à lui seul une trentaines d’espèces d’oiseaux marins, pour un total de huit millions de couples. Mais ces populations seraient plus vulnérables qu’à travers l’ensemble des autres océans de la planète, révèle une étude récemment réalisée par les universités d’Exeter, Heriot-Watt et de La Réunion, et la société zoologique de Londres1. En cause : l’absence de hotspots où les prédateurs, dont les oiseaux marins, viennent se nourrir en quantité.

« Dans les mers tempérées, polaires et les courants ascendants, les caractéristiques océanographiques prévisibles peuvent agréger les prédateurs migratoires, qui bénéficient d’une protection basée sur le site, indique l’étude publiée en anglais. Dans les eaux tropicales plus oligotrophes, cependant, il n’est pas clair que les conditions environnementales créent des points chauds multi-espèces. » Sans ces points chauds ciblés, les oiseaux de mer se dispersent davantage dans l’espace pour se nourrir, particulièrement en dehors de leur période de reproduction.

Alors, pour mieux connaître ces mouvements, les chercheurs ont suivi 348 individus regroupés en neuf espèces différentes pour 10 colonies à l’échelle de l’ouest de l’océan Indien. Grâce aux données récoltés de 2008 à 2015 et étendues à l’ensemble des colonies régionales, l’équipe estime que l’ensemble des oiseaux marins de la zone couvrirait une zone totale de… 16 524 436 kilomètres carrés. En outre, les individus suivi de chaque espèce ont passé en moyenne environ 2 jours et demi consécutifs dans une cellule grille de 200 kilomètres.

 

Espèces à grande échelle et répartition spécifique aux colonies des oiseaux marins de l'ouest de l'océan Indien suivis par géolocalisation.

Elargir les échelles de protection

« Les aires marines protégées (AMP) existent dans l’océan Indien, mais les oiseaux marins de notre étude n’ont pas passé en moyenne plus de quatre jours dans l’une des cinq plus grandes AMP par an », témoigne la Docteure Alice Trevail, co-autrice de l’étude. « Comme les oiseaux errent largement et passent une grande partie de leur temps en dehors des eaux nationales, nous avons besoin d’une action internationale – comme le récent traité sur la haute mer – pour les protéger. Aucun pays ne peut agir isolément pour les protéger. »

Actuellement, le réseau d’aires marines protégées dans l’ouest de l’océan Indien comprend trois très grandes AMP (>100 000 km2) et deux  plus petites (>40 000 km2), tous au sein des zones économiques exclusives autour des populations reproductrices d’oiseaux de mer. Or, au cours de l’étude, 88 % de la superficie totale de richesse maximale en espèces a été enregistrée en dehors des aires protégées, « ce qui suggère que les méthodes de protection marine spécifiques à la zone en vigueur sont mal adaptées à ces espèces », estiment les chercheurs qui ont étudié ces populations pendant près de huit ans.

Pour ne rien arranger, l’impact anthropique – pêche, pollution, etc. – augmente en haute mer, au-delà des juridictions nationales, alors même que les oiseaux marins migrateurs peuvent traverser les bassins océaniques et les frontières internationales. Une conservation marine appropriée sera donc cruciale pour leur rétablissement à long terme et la restauration de l’ensemble de l’écosystème, où ces oiseaux jouent un rôle essentiel, en raison de leurs impacts positifs sur le cycle des nutriments et la santé des récifs coralliens. « Alors que la restauration terrestre améliore les conditions de l’habitat de reproduction et que les changements environnementaux remodèlent les conditions marines, la protection à grande échelle en haute mer nécessite différentes échelles de pensée et des changements sociétaux pour s’assurer que les oiseaux de mer disposent d’environnements en mer appropriés à l’avenir », concluent les auteurs.

Photo à la Une : © Nicolas Hienly


1. Tracking seabird migration in the tropical Indian Ocean reveals basin-scale conservation need (2023), Alice M. Trevail, Malcolm A.C. Nicoll, Robin Freeman, Matthieu Le Corre, Jill Schwarz, Audrey Jaeger, Vincent Bretagnolle, Licia Calabrese, Chris Feare, Camille Lebarbenchon, Ken Norris, Sabine Orlowski, Patrick Pinet, Virginie Plot, Gerard Rocamora, Normal Shah (ScienceDirect)

 

 

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